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NOM
pipe – Exposé général sur les tubes et les FIFO
DESCRIPTION
Les tubes et les FIFO (ou tubes nommés) fournissent un canal de communication interprocessus
unidirectionnel. Un tube a une entrée et une sortie. Les données écrites à l'entrée du tube peuvent être
lues à sa sortie.
Un tube est créé avec l'appel système pipe(2) qui crée un nouveau tube et renvoie deux descripteurs de
fichier, l'un correspondant à l'entrée du tube et l'autre à la sortie. Les tubes peuvent être utilisés
pour créer un canal de communication entre des processus associés ; consultez pipe(2) pour un exemple.
Une file d’attente FIFO (abréviation de « First In First Out » ou premier entré, premier sorti) a un nom
sur le système de fichiers (créé avec mkfifo(3)) et est ouverte avec open(2). Tout processus peut ouvrir
une FIFO si les permissions du fichier l'autorisent. La sortie est ouverte avec l'option O_RDONLY ;
l'entrée est ouverte avec l'option O_WRONLY. Consultez fifo(7) pour plus de détails. Note : même si les
FIFO ont un nom sur le système de fichiers, les entrées/sorties sur une FIFO n'impliquent pas
d'opérations sur le périphérique sous‐jacent (s'il y en a un).
E/S sur les tubes et les FIFO
La seule différence entre les tubes et les FIFO est la manière dont ils sont créés et ouverts. Une fois
ces tâches accomplies, les E/S sur les tubes et les FIFO ont strictement les mêmes sémantiques.
Si un processus essaie de lire dans un tube vide, read(2) bloquera jusqu'à ce que des données soient
disponibles. Si un processus essaie d'écrire dans un tube plein (voir ci‐dessous), write(2) bloque
jusqu'à ce que suffisamment de données aient été lues dans le tube pour permettre la réussite de
l'écriture.
Des E/S non bloquantes sont possibles en utilisant l'opération F_SETFL de fcntl(2) pour activer
l'attribut O_NONBLOCK d’état de fichier ouvert ou en ouvrant une fifo(7) avec O_NONBLOCK. Si le tube d'un
processus est ouvert en écriture, les lectures échoue avec une erreur EAGAIN ; autrement, sans processus
écrivant potentiel, les lectures réussissent et ne renvoient rien.
Le canal de communication fourni par un tube est un flux d'octets : il n'y a pas de notion de limite de
messages.
Si tous les descripteurs de fichier correspondant à l'entrée d'un tube sont fermés, une tentative de
lecture sur le tube renverra une condition de fin de fichier (read(2) renverra 0). Si tous les
descripteurs de fichier correspondant à la sortie d'un tube sont fermés, une tentative d'écriture
provoquera l'envoi du signal SIGPIPE au processus appelant. Si le processus appelant ignore ce signal,
write(2) échoue avec l'erreur EPIPE. Une application utilisant pipe(2) et fork(2) doit utiliser des
appels à close(2) afin de fermer les descripteurs de fichier superflus ; cela permet d'assurer que la
condition de fin de ficher et SIGPIPE/EPIPE soient renvoyés correctement.
Il n'est pas possible d'invoquer lseek(2) sur un tube.
Capacité d'un tube
Un tube a une capacité limitée. Si le tube est plein, un write(2) bloquera ou échouera, selon que
l'attribut O_NONBLOCK est activé ou non (voir ci‐dessous). Différentes implémentations ont différentes
limites de capacité des tubes. Les applications ne doivent pas dépendre d'une capacité particulière, mais
être conçues pour qu'un processus lecteur lise les données dès qu'elles sont disponibles de manière à ce
qu'un processus écrivant ne soit pas bloqué.
Avant Linux 2.6.11, la capacité d'un tube était la même que la taille d'une page système (par exemple
4 096 octets sur i386). Depuis Linux 2.6.11, la capacité d'un tube est par défaut de 16 pages
(c’est-à-dire 65 536 octets sur un système avec 4 096 octets comme taille de page). Depuis Linux 2.6.35,
la capacité d’un tube est de 16 pages, mais la capacité peut être recherchée et définie en utilisant les
opérations F_GETPIPE_SZ et F_SETPIPE_SZ de fcntl(2). Consultez fcntl(2) pour davantage d’informations.
L’opération ioctl(2) suivante, qui peut être appliquée à un descripteur de fichier faisant référence à
n’importe quelle extrémité du tube, place un certain nombre d’octets non lus dans le tube dans le tampon
int pointé par le dernier argument de l’appel :
ioctl(fd, FIONREAD, &nbytes);
L’opération FIONREAD n’est précisée dans aucune norme, mais est fournie dans beaucoup d’implémentations.
Fichiers /proc
Dans Linux, les fichiers suivants contrôlent la quantité de mémoire pouvant être utilisée pour les
tubes :
/proc/sys/fs/pipe-max-pages (uniquement pour Linux 2.6.34)
Une limite supérieure, en nombre de pages, sur la quantité qu’un utilisateur non privilégié
(n’ayant pas la capacité CAP_SYS_RESOURCE) peut être définie pour un tube.
La valeur par défaut pour cette limite est de 16 fois la quantité par défaut pour le tube (voir
ci-dessus). La limite basse est de deux pages.
Cette interface a été supprimée dans Linux 2.6.35, en faveur de /proc/sys/fs/pipe-max-size.
/proc/sys/fs/pipe-max-size (depuis Linux 2.6.35)
La taille maximale (en octet) de tubes particuliers pouvant être définie par les utilisateurs
n’ayant pas la capacité CAP_SYS_RESOURCE. La valeur assignée dans ce fichier peut être arrondie à
la valeur supérieure pour refléter la valeur réellement employée pour une mise en œuvre pratique.
Pour déterminer cette valeur arrondie, affichez le contenu de ce fichier après lui avoir assigné
une valeur.
La valeur par défaut pour ce fichier est 1 048 576 (1 Mibit). La valeur minimale qui peut être
assignée à cette page est la taille de page du système. Un essai d’une limite inférieure à cette
taille de page provoque l’échec de write(2) avec l’erreur EINVAL.
Depuis Linux 4.9, la valeur dans ce fichier agit comme un plafond pour la capacité par défaut pour
un nouveau tube ou une FIFO nouvellement ouverte.
/proc/sys/fs/pipe-user-pages-hard (depuis Linux 4.5)
La limite dure de la taille totale (en nombre de pages) de tous les tubes créés ou définis par un
utilisateur particulier non privilégié (c’est-à-dire n’ayant ni la capacité CAP_SYS_RESOURCE ni la
capacité CAP_SYS_ADMIN). Aussi longtemps que le nombre total de pages allouées pour les tampons de
tube pour cet utilisateur est à cette limite, les essais pour créer de nouveaux tubes n’aboutiront
pas et les essais pour augmenter la capacité de tube n’aboutiront pas.
Quand la valeur de cette limite est zéro (comportement par défaut ), aucune limite dure n’est
appliquée.
/proc/sys/fs/pipe-user-pages-soft (depuis Linux 4.5)
La limite douce de la taille totale (en nombre de pages) de tous les tubes créés ou définis par un
utilisateur particulier non privilégié (c’est-à-dire n’ayant ni la capacité CAP_SYS_RESOURCE ni la
capacité CAP_SYS_ADMIN). Aussi longtemps que le nombre total de pages allouées pour les tampons de
tube pour cet utilisateur est à cette limite, les tubes individuels créés par l’utilisateur seront
limités à une page et les essais pour augmenter la capacité de tube n’aboutiront pas.
Quand la valeur de cette limite est zéro, aucune limite douce n’est appliquée. La valeur par
défaut dans ce fichier est 16 384 qui permet de créer jusqu’à 1 024 tubes avec la capacité par
défaut.
Avant Linux 4.9, quelques bogues affectaient la gestion des limites pipe-user-pages-soft et
pipe-user-pages-hard. Consultez la section BOGUES.
PIPE_BUF
POSIX.1-2001 indique que les écritures de moins de PIPE_BUF octets doivent être atomiques : les données
produites sont écrites dans le tube de façon contiguë. Les écritures de plus de PIPE_BUF octets peuvent
ne pas être atomiques : le noyau peut entrelacer les données avec des données écrites par d'autres
processus. POSIX.1-2001 demande que PIPE_BUF soit au moins de 512 octets ; sous Linux, PIPE_BUF vaut
4 096 octets. La sémantique précise dépend de l'attribut non bloquant du descripteur de fichier
(O_NONBLOCK), du nombre de processus écrivant dans le tube et de n, le nombre d'octets à écrire :
O_NONBLOCK désactivé, n <= PIPE_BUF
Les n octets sont écrits de manière atomique ; write(2) peut bloquer s'il n'y a pas de place pour
écrire n octets immédiatement.
O_NONBLOCK activé, n <= PIPE_BUF
S'il y a la place d'écrire n octets dans le tube, write(2) réussit immédiatement, en écrivant les
n octets ; sinon, write(2) échoue et définit errno à EAGAIN.
O_NONBLOCK désactivé, n > PIPE_BUF
L'écriture est non atomique : les données fournies à write(2) peuvent être entrelacées avec des
écritures d'autres processus ; l'écriture bloque jusqu'à ce que n octets aient été écrits.
O_NONBLOCK activé, n > PIPE_BUF
Si le tube est plein, write(2) échoue, en plaçant errno à EAGAIN. Sinon, entre 1 et n octets
peuvent être écrits (une « écriture partielle » peut se produire ; l'appelant doit vérifier la
valeur de retour de write(2) pour voir combien d'octets ont réellement été écrits), et ces octets
peuvent être entrelacés avec des écritures d'autres processus.
Attributs d'état de fichier ouvert
Les seuls attributs d'état de fichier ouvert qui peuvent s'appliquer aux tubes et aux FIFO sont
O_NONBLOCK et O_ASYNC.
Activer l'attribut O_ASYNC à la sortie d'un tube provoque l'envoi d'un signal (SIGIO par défaut) lorsque
de nouvelles données sont disponibles dans le tube. La cible de réception du signal doit être définie en
utilisant la commande F_SETOWN de fcntl(2). Sous Linux, O_ASYNC n'est possible sur les tubes et les FIFO
que depuis Linux 2.6.
Notes sur la portabilité
Sur certains systèmes (mais pas sous Linux), les tubes sont bidirectionnels : des données peuvent être
transmises dans les deux directions entre les extrémités du tube. Selon POSIX.1-2001, les tubes sont
uniquement décrits comme unidirectionnels. Les applications portables doivent éviter de s'appuyer sur une
sémantique bidirectionnelle des tubes.
BOGUES
Avant Linux 4.9, quelques bogues affectaient la gestion des limites pipe-user-pages-soft et
pipe-user-pages-hard lors de l’utilisation de l’opération F_SETPIPE_SZ de fcntl(2) pour modifier la
capacité d’un tube :
(a) Lors de l’augmentation de la capacité du tube, les vérifications sur les limites douce et dure sont
faites sur la consommation existante et excluent la mémoire nécessaire pour la capacité augmentée du
tube. La nouvelle augmentation de capacité du tube pourrait pousser la mémoire totale utilisée par
l’utilisateur pour les tubes au-dessus (possiblement très au delà) de la limite. Cela pourrait aussi
déclencher le problème exposé ci-après.
Depuis Linux 4.9, la vérification de limite inclut la mémoire nécessaire pour la nouvelle capacité
de tube.
(b) Les vérifications de limite sont réalisées même si la nouvelle capacité du tube est inférieure à la
capacité du tube existant. Cela pourrait conduire à des problèmes si un utilisateur définit une
capacité importante de tube et que les limites sont abaissées, avec comme résultat que l’utilisateur
ne pourrait plus abaisser la capacité du tube.
Depuis Linux 4.9, les vérifications des limites sont réalisées uniquement lors de l’augmentation de
capacité de tube. Un utilisateur non privilégié peut toujours diminuer la capacité de tube.
(c) La prise en compte et la vérification sur les limites sont faites comme suit :
(1) Test pour savoir si l’utilisateur a dépassé la limite.
(2) Allocation du tampon pour le nouveau tube.
(3) Comparaison de la nouvelle allocation avec les limites.
Cela est risqué. Plusieurs processus peuvent passer le point (1) simultanément et puis allouer des
tampons de tube qui sont pris en compte lors de l’étape (3), avec comme résultat que l’allocation du
tampon de tube de l’utilisateur peut dépasser la limite.
Depuis Linux 4.9, l’étape de prise en compte est réalisée avant l’allocation et l’opération échoue
si la limite est dépassée.
Avant Linux 4.9, des bogues similaires aux points (a) et (c) pourraient se produire quand le noyau alloue
de la mémoire pour le nouveau tampon de tube, c’est-à-dire lors de l’appel pipe(2) et lors de l’ouverture
d’une nouvelle FIFO précédemment non ouverte.
VOIR AUSSI
mkfifo(1), dup(2), fcntl(2), open(2), pipe(2), poll(2), select(2), socketpair(2), splice(2), stat(2),
tee(2), vmsplice(2), mkfifo(3), epoll(7), fifo(7)
TRADUCTION
La traduction française de cette page de manuel a été créée par Christophe Blaess
<https://www.blaess.fr/christophe/>, Stéphan Rafin <stephan.rafin@laposte.net>, Thierry Vignaud
<tvignaud@mandriva.com>, François Micaux, Alain Portal <aportal@univ-montp2.fr>, Jean-Philippe Guérard
<fevrier@tigreraye.org>, Jean-Luc Coulon (f5ibh) <jean-luc.coulon@wanadoo.fr>, Julien Cristau
<jcristau@debian.org>, Thomas Huriaux <thomas.huriaux@gmail.com>, Nicolas François
<nicolas.francois@centraliens.net>, Florentin Duneau <fduneau@gmail.com>, Simon Paillard
<simon.paillard@resel.enst-bretagne.fr>, Denis Barbier <barbier@debian.org>, David Prévot
<david@tilapin.org>, Cédric Boutillier <cedric.boutillier@gmail.com>, Frédéric Hantrais
<fhantrais@gmail.com> et Jean-Paul Guillonneau <guillonneau.jeanpaul@free.fr>
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